Il était une fois six facteurs qui un jour ont eu une idée un peu folle : transformer le toit d’un centre de tri de la poste du 18ème arrondissement de Paris en potager urbain.
En 2016, lorsque la ville de Paris organise la 1ère édition de l’opération Parisculteurs, Sophie, Julie, David, Daniel, Michel et Auriane décident de candidater. L’idée des Pariculteurs est alors simple : végétaliser d’ici 2020 dans la capitale 100 hectares de bâti dont 1/3 consacré à l’agriculture urbaine. Dans la liste des lieux à la recherche de mains vertes motivées pour faire exister l’agriculture dans la ville figure le toit d’un centre de poste situé porte de la Chapelle. Les six facteurs décident alors de se lancer dans l’aventure et décrochent l’appel d’offres. Les heureux lauréats se retroussent alors les manches, s’associent à « Cultures en ville » une start-up spécialisée dans l’installation d’écosystèmes de potagers en milieu urbain, créent l’association « Communauté Facteur Graine » et commencent à plancher sur la concrétisation de leur projet destiné à investir les 900 m2 de toiture du centre postier. On est alors en novembre 2016. En janvier 2016, une campagne de financement à hauteur de 20 000 euros est lancée pour financer les coûts liés à la mise en place de cette mini ferme urbaine selon les principes de la permaculture. En 45 jours, 21 296 euros sont collectés grâce à la mobilisation de 217 contributeurs ! Un franc succès qui encourage les membres de la Communauté Facteur graine dans la poursuite de leur projet d’agriculture urbaine selon les principes adoptés en permaculture.
Pourquoi ce choix de la permaculture ?
« L’idée est de faire de cet endroit un toit vertueux et modulable pour partager nos savoir-faire, se nourrir et transmettre. L’idée de la permaculture est d’associer les plantes pour qu’elles s’épanouissent. Elles font le boulot toutes seules, il n’y a qu’à observer la nature, elle a toutes les réponses. A travers ce projet, nous voulons que de la même manière qu’il est possible de reconnaître en chaque plante ces vertus, on puisse aussi reconnaître en chacun de nous ce qu’il a à offrir et ainsi associer nos talents. Parmi les valeurs essentielles défendues par la permaculture urbaine, il y a la notion de relier la nature à la nature humaine en travaillant les uns à côté des autres plutôt que les uns au-dessus des autres» explique Sophie.
Il faudra quelques mois encore de réflexion pour que le potager sorte enfin de terre ! C’est finalement au printemps 2016, que les choses débutent réellement. Petit à petit, le potager urbain prend forme et les cailloux sont remplacés par des écorces de bois et un substrat composé de bois broyé, de déchets verts et de champignonnière. Un mélange plus léger et plus riche que la terre destiné à permettre la réalisation de 480 m2 de culture sur butte.
En deux week-end, 90 tonnes de compost et de broyat sont montés sur le toit et le 13 mai, ce sont 1 000 plants de végétaux qui sont plantés ! Au mois de septembre, ce sera au tour des 90 tonnes de paille d’être hissées sur le toit !
Des performances rendues possible par la présence d’une vingtaine de bénévoles et l’utilisation du matériel de la poste et de son monte-charge.
Quelques mois après, le résultat est spectaculaire. Rien de tel qu’une petite visite sur place pour s’en rendre compte. Ce jour là, c’est Sophie qui m’accueille en bas du bâtiment. Pour arriver jusqu’au toit, nous prenons l’ascenseur, puis nous ouvrons une porte et encore une autre avant de se retrouver à l’air libre. Encore un escalier à monter et ça y est on y est. Le spectacle qui s’offre à moi est assez étonnant ! Certes la vue sur les hauteurs du quartier est chouette mais le plus intéressant se trouve au sol… Des salades, des tomates de toutes les formes, des aromatiques… malgré la saison et l’arrivée de l’automne, le potager semble encore vouloir donner des légumes. Une vraie surprise, et encore, ça n’est rien à côté des récoltes effectuées il y a tout juste quelques semaines. « On a cultivé des aubergines, des haricots, des fèves, des courgettes, des piments et même des melons » m’explique Sophie. Pour sa première année, le potager a déjà comblé les espérances de ses fondateurs en donnant plus de 400 kilos de tomates ! Des chiffres qui devraient continuer à augmenter puisque l’année prochaine, il est prévu que le jardin produise 1 530 kg de fruits et légumes et 300 pots de 250 ml de miel par an. « Nous avons fait nos estimations avec un rendement de 2 kilos au mètre carré, ce qui est bien peu car en permaculture, on peut aller jusqu’à 10 à 15 kg du mètre carré. Pour le miel, notre estimation est très haute » explique Sophie.
Pour écouler la production, un marché est organisé une fois par semaine au jardin pour permettre au personnel de la poste qui le souhaite de venir s’approvisionner directement sur place. Une bonne occasion pour chacun de se rencontrer, d’échanger et faire pousser des rêves comme disent les membres de la Communauté Facteur Graine. D’ailleurs cette maxime est écrite sur l’un des murs du potager, histoire de ne jamais oublier qu’un rêve peut devenir réalité en permettant à tous ceux qui le souhaitent de partager et de vivre cette aventure.
« Notre utopie est devenue réelle »
« Cet endroit est en fait un laboratoire où on a décidé de créer un espace de liberté en privilégiant l’intelligence collective pour trouver des solutions ensemble »
explique Sophie. D’ailleurs chaque étape du projet se construit en concertation avec l’envie de pouvoir permettre au plus grand nombre d’en profiter comme lors d’ateliers par exemple. « On utilise beaucoup de matériel de récupération comme par exemple les sacs de courrier qu’on a utilisé pour faire des plantations ou encore des planches dont on s’est servi pour fabriquer des jardinières. C’est un endroit ouvert qui à terme accueillera davantage de public à travers notamment des manifestations comme la Fête de la Nature qui en septembre a réuni 150 personnes sur le toit » raconte Sophie. Et pour tous ceux qui s’intéressent à la vie des bébêtes en plus du jardin, des abeilles devraient au printemps prochain rejoindre les poules qui ont pris leur quartier à Facteur Graine il y a quelques mois déjà et dont les œufs ont déjà régalé de nombreux amateurs car à Facteur Graine, on ne se contente pas seulement de fabriquer ni de visiter, on déguste aussi parfois. Il arrive même de temps en temps que des cuisiniers se mettent au fourneau sur le toit et préparent des recettes imaginées à partir des produits récoltés directement dans le potager. Une manière de créer du lien social et de transformer la poste de messager du courrier en messager de la nature !
Pour le visiteur, l’expérience ressemble à un petit moment de bonheur durant lequel on oublie totalement qu’on est en plein milieu d’une capitale bouillonnante. Ici, le calme et la sérénité ont résolument choisi de faire taire le brouhaha d’en bas. Qu’on soit petit ou grand, à Facteur Graine, on vient apprendre, partager ses savoir-faire, se détendre (quoi de mieux qu’une petite pause lecture assise sur une botte de paille?)… bref, profiter de la vie et renouer avec mère Nature. Un lieu unique et inspirant !
Pour tout renseignement, vous pouvez contacter la Communauté Facteur Graine via leur page facebook @CommunauteFacteurGraine
Corine Carré
Crédits photos : communauté facteur graine